
« Le projet de PPE 3 indique que la part des énergies fossiles dans le mix énergétique doit tomber à 42 % de la consommation finale en 2030 contre 60 % en 2023, puis à 30 % en 2035 et 0 en 2050. Il ne faut pas être devin pour comprendre que cet objectif sera très difficile à atteindre. La France a raison d’être ambitieuse, les membres de l’UIP le sont aussi. Mais nous devons aussi être réalistes dans nos objectifs fixés, afin de pouvoir tenir nos engagements », déclare Olivier Peyrin, délégué général de l’UIP (Union des importateurs indépendants pétroliers), à News Tank le 04/04/2025.
Nommé délégué général du syndicat professionnel des enseignes de la grande distribution en charge de l’approvisionnement en carburants en septembre 2024, Olivier Peyrin relève trois enjeux principaux auxquels est confronté le secteur : la question sur le mix de carburant à court et moyen terme, la décarbonation des produits pétroliers et l’évolution des taxes sur le carburant. Sur ce dernier point, il déclare : « Depuis 2023, les prix à la pompe sont relativement stables et bas, à moins de 2 €/l, et nous n’avons pas connu de crise sociale majeure, comme ce fut le cas avec les gilets jaunes. Mais les pouvoirs publics le savent : ces mouvements peuvent très vite revenir en cas de forte hausse des prix. »
L’UIP regroupe quatre filiales des enseignes de la grande distribution qui, ensemble, représentent 63 % des volumes de carburants vendus en stations. « On observe une très légère érosion du nombre de stations-service en France (-1 %). Mais, concernant nos adhérents, cela n’a pas bougé : nous en comptons toujours 5 236. Cela veut dire que, dans un marché en baisse, la grande distribution a pris des parts de marché. La raison est simple : la grande distribution est moins chère que les réseaux traditionnels. »
S’agissant des objectifs nationaux et européens de neutralité carbone, le délégué général de l’UIP ajoute : « Au rythme actuel, et même si les adhérents de l’UIP sont favorables aux actions de transition énergétique, cela prendra beaucoup plus de temps qu’on ne le pense. Si nous souhaitons être dans les clous, la consommation de carburant doit baisser de 6 % par an entre 2022 et 2030 pour atteindre les objectifs PPE 3. Or, cette consommation a baissé en moyenne de 2 % entre 2017 et 2022. Soyons clairs : ces objectifs sont trop ambitieux, et il faudra beaucoup de temps pour les atteindre. »
Olivier Peyrin répond aux questions de News Tank.
Après une carrière de 40 ans dans l’industrie du pétrole, vous avez été nommé délégué général de l’Union des importateurs indépendants pétroliers en septembre 2024. Quelle est la vocation de cette organisation ?
L’UIP est un syndicat professionnel qui rassemble les filiales des enseignes de la grande distribution en charge de l’approvisionnement en carburants. Depuis juin 2024, l’organisation s’est renforcée avec les adhésions de Siplec et Scaped. Elle regroupe donc aujourd’hui Auchan Energies (Auchan), Carfuel (Carrefour), SCA Pétrole et Dérivés (Intermarché) et Siplec (Leclerc). Ces entreprises sont actives dans les activités de logistique, de stockage, de distribution et de commercialisation de produits pétroliers.
Notre syndicat a pour objet la représentation institutionnelle de nos membres et la défense de leurs intérêts matériels et moraux auprès des administrations de tutelle. Nous sommes notamment en lien avec les Douanes, la DGEC ou encore la DGPR. Nous étudions toutes les questions administratives, financières et légales pour nos membres. Les adhérents de l’UIP sont très attentifs aux évolutions du droit et de la réglementation, notamment celui de la concurrence.
Les adhérents de l’UIP assurent 63 % des volumes de carburants vendus à travers un réseau de 5 236 stations-service. Cela représente plus de 3 000 livraisons par jour, 24 millions de m3 sur une volume total de 39 millions de m3 de carburant vendu à la pompe en France, et 500 000 m3 de capacité de stockage dans 25 dépôts pétroliers.
Vous avez succédé à Christophe Henrat qui a occupé la fonction de délégué général de l’UIP pendant huit ans, de 2016 à 2024. Comment s’est déroulée cette transition ? Vous a-t-on fixé des objectifs en tant que délégué général ?
J’ai passé un mois et demi avec lui, car nous avions beaucoup de dossiers à voir ensemble. Les sujets sont très variés, et j’ai défini mes priorités pour 2025 en lien avec les adhérents. Parmi les principaux sujets à l’ordre du jour figurent la poursuite des travaux sur la période 6 des CEE, l’engagement en faveur des carburants liquides bas carbone, la PPE 3, l’ETS 2 qui sera en place en 2027 ou encore la participation de l’UIP à des groupes de travail sur la Tiruert et la TICPE.
Quels sont les principaux enjeux du secteur que vous représentez ?
La question que tous nos adhérents se posent, c’est de savoir à quoi ressemblera le mix de carburants dans cinq et 10 ans. Nous voyons clairement que le gazole baisse de manière importante, et le marché des super carburants est en hausse. Aujourd’hui, les nouvelles immatriculations du parc des véhicules légers sont réparties de cette façon : 76 % sont des véhicules essence, 19 % de l’électrique et 5 % du diesel.
« Avoir des carburants à la pompe qui soient le plus décarbonés possible »
Dans ce marché en mouvement, l’ambition des adhérents de l’UIP est d’avoir demain des carburants à la pompe qui soient le plus vert possible. C’est pour cette raison que se développent des solutions comme l’E85, les e-fuels et des produits comme le HVO 100 ou le XTL. L’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves en 2035 ? Nous sommes peu convaincus par cette mesure, notamment car le véhicule électrique se démocratise plus lentement que prévu.
Enfin, le secteur est particulièrement vigilant à l’évolution de la taxation des carburants. Le risque est d’assister à une dérive d’empilement des coûts. Aujourd’hui, les produits pétroliers sont soumis à la TICPE, la Tiruert, supportent les coûts CEE et la TVA. Tous ces coûts se répercutent sur le prix final. Depuis 2023, les prix à la pompe sont relativement stables et bas, à moins de 2 €/l, et nous n’avons pas connu de crise sociale majeure, comme ce fut le cas avec les gilets jaunes. Mais les pouvoirs publics le savent : ces mouvements peuvent très vite revenir en cas de forte hausse des prix. Les ministères concernés doivent en avoir conscience.
Avez-vous des attentes particulières concernant les futures Programmation pluriannuelle de l’énergie et Stratégie nationale bas carbone, actuellement en construction ?
Nous voulons des objectifs réalisables. Le projet de PPE 3 indique que la part des énergies fossiles dans le mix énergétique doit tomber à 42 % de la consommation finale en 2030 contre 60 % en 2023. Il ne faut pas être devin pour comprendre que cet objectif sera très difficile à atteindre. La France a raison d’être ambitieuse, les membres de l’UIP le sont aussi. Mais nous devons aussi être réalistes dans nos objectifs fixés, afin de pouvoir tenir nos engagements.
Sur les émissions de gaz à effet de serre, la France émettait environ 550 Mt équivalent CO2 en 1990. En 2024, ce volume est tombé à 366 Mt équivalent CO2. J’entends le Gouvernement demander une remobilisation car la baisse est plus faible entre 2023 et 2024 qu’entre 2022 et 2023, mais nous avons déjà fait beaucoup d’efforts. Les premières années sont plus faciles et, pour continuer la descente au même rythme, les efforts à consentir sont forcément plus difficiles.
« Sur la baisse des émissions de GES, nous avons déjà fait beaucoup d’efforts »
Lors de sa conférence annuelle, l’Ufip EM a relevé « une érosion du nombre de stations-service en France » entre 2023 et 2024 : comment expliquez-vous ce phénomène ?
Il est vrai qu’on observe une très légère érosion du nombre de stations-service en France. Mais, concernant nos adhérents, cela n’a pas bougé : nous comptons toujours 5 236 stations. Cela veut dire que, dans un marché en baisse, la grande distribution a pris des parts de marché. La raison est simple : la grande distribution est moins chère que les réseaux traditionnels. La station-service, c’est un prix d’appel pour inciter les consommateurs à faire leurs courses dans le supermarché attenant. Le carburant est le seul produit où il est possible d’afficher les prix à l’extérieur, et nos adhérents ont à cœur d’avoir le meilleur tarif sur le marché français.
Comment voyez-vous le développement des biocarburants en France ? Les investissements sont-ils suffisants pour répondre aux objectifs de la France et de l’Europe dans ce domaine ?
« Sur la baisse des émissions de GES, nous avons déjà fait beaucoup d’efforts »
En France, les acteurs sont très actifs sur le sujet. L’E85, qui comporte au minimum 60 % d’éthanol, continue de progresser. Cela représente aujourd’hui 6 % des ventes de carburants, ce qui n’est pas négligeable. Par ailleurs, le prix à la pompe peut varier jusqu’à 1 € de moins par litre qu’un carburant traditionnel. Dans un contexte où les questions relatives au pouvoir d’achat sont très présentes, cette solution séduit. En France, 3 700 stations-service proposent de l’E85, et 67 % des ventes proviennent des grandes et moyennes surfaces. En volume, l’E85 représente 900 000 m3 vendu en 2024, deux fois plus qu’en 2021. C’est un point de développement très fort. Ensuite, on trouve le HVO et le XTL, deux produits qui se développent mais avec des volumes de vente assez bas mais qui ne cessent de progresser : sur la période mars 2024 – février 2025, les ventes ont représenté 189 000 m3. En février 2025, les ventes sont de 25 000 m3. Nous en sommes aux prémices.
« L’E85, un point de développement très fort »
En France, les acteurs sont très actifs sur le sujet. L’E85, qui comporte au minimum 60 % d’éthanol, continue de progresser. Cela représente aujourd’hui 6 % des ventes de carburants, ce qui n’est pas négligeable. Par ailleurs, le prix à la pompe peut varier jusqu’à 1 € de moins par litre qu’un carburant traditionnel. Dans un contexte où les questions relatives au pouvoir d’achat sont très présentes, cette solution séduit.
En France, 3 700 stations-service proposent de l’E85, et 67 % des ventes proviennent des grandes et moyennes surfaces. En volume, l’E85 représente 900 000 m3 vendu en 2024, deux fois plus qu’en 2021. C’est un point de développement très fort. Ensuite, on trouve le HVO et le XTL, deux produits qui se développent mais avec des volumes de vente assez bas mais qui ne cessent de progresser : sur la période mars 2024 – février 2025, les ventes ont représenté 189 000 m3. En février 2025, les ventes sont de 25 000 m3. Nous en sommes aux prémices.
L’Agence internationale de l’énergie prévoit « une stabilisation de la demande » de pétrole d’ici 2030, conduisant à « un excédent majeur » sur les marchés du pétrole. À l’inverse, l’Opep prévoit une augmentation de la demande mondiale à 120,1 mb/j d’ici à 2050. Que pensez-vous de ces prévisions ?
La réalité se situera sans doute entre les deux estimations. Ceux qui prévoient une baisse de la consommation de produits pétroliers oublient trop souvent l’accroissement de la population en Inde et en Chine. Par ailleurs, depuis 2023 le prix du Brent se situe surtout entre 75 et 85 $ (69 € et 78,5 €) malgré des marchés sous tension. C’est un signe que la demande convient à l’offre, et que l’offre convient à la demande.
Au niveau européen, l’objectif est la neutralité carbone en 2050, avec une phase intermédiaire en 2035. Au rythme actuel, et même si les adhérents de l’UIP sont favorables aux actions de transition énergétique, cela prendra beaucoup plus de temps qu’on ne le pense. Pour satisfaire les objectifs très ambitieux de réduction des émissions de GES, la consommation carburants fossiles devrait baisser de -6 %/an jusqu’à 2030. Ce n’est pas la trajectoire que nous constatons depuis 2022 (-2 %/an entre 2017 et 2022), ce qui rend les projections de fin de consommation en 2050 a ce stade très incertaines. le chemin est encore long. Il est illusoire et irrationnel d’imaginer se passer de pétrole en 2050. On imagine une fin symbolique, mais elle sera loin de la réalité.
Olivier Peyrin
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Délégué général @ Union des Importateurs Indépendants Pétroliers (UIP)
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